Fin de mois rime avec Cahier de Photographe. Lorsque j’ai débuté cette section du blog, je ne pensais pas croiser la route de photographes aussi talentueux. C’est un réel plaisir de vous présenter chaque mois le travail d’un artiste, sa vie, ses goûts et son histoire.
Pour magnifier cette fin septembre, je vous invite à retrouver l’interview et les clichés de Chloé Lapeyssonnie, rock star de la photographie de mariage.
Chloé Lapeyssonnie
Qui es-tu ?
Hello tout le monde, moi, c’est Chloé Lapeyssonnie, photographe sociale (oui, c’est dans cette catégorie que tombe la photo de mariages, de couples, de familles) depuis maintenant presque 5 ans. Avant ça, j’ai eu comme beaucoup plusieurs vies : traductrice, attachée de presse puis photographe de concert et de voyage. Si vous voulez voir ce que je fais dans ces domaines depuis 2008, notamment mon reportage sur la Route 66 et la mini tournée avec les Babyshambles (ouh yeaah :D), c’est par ici — > www.evaedavier.com
J’ai toujours été curieuse de pleins de choses, je m’ennuie très vite, ce qui explique en partie mon parcours « à rebonds », et il m’a fallu pas mal de temps pour me projeter dans un métier plus de 3 ans d’affilée ! Mais avec la photographie, j’ai enfin trouvé une voie regroupant tout ce que j’aime dans la vie – raconter des histoires, rencontrer des gens, voyager – et m’offrant des opportunités quasi infinies car photographier, au final, ce n’est que porter son propre regard sur une personne, un évènement, une chose, un lieu… C’est en réalisant tout ça que j’ai pris la décision il y a 7 ans de me lancer dans cette voie après en avoir explorées pas mal d’autres : je savais que je ne m’ennuierai jamais ! Au fil des années, on finit toujours par se spécialiser un peu dans un domaine par défaut, mais concrètement, rien ne m’empêche de passer de la photo de concert à la photo sociale, du reportage version National Geographic au portrait en studio.
C’est drôle, parce que récemment, je suis retombée sur un de mes carnets d’adolescente et j’avais écrit quelque chose comme « Un jour, peut-être, je serai photographe… Mais allez, arrête de rêver, ça n’a aucune chance d’arriver ! » Au fond de moi, je ne pensais pas un seul instant que ça pourrait vraiment être mon métier, ça me semblait inaccessible, comme si je voulais être une rock star ! Comme quoi, si je m’étais écoutée un peu plus au lieu de me dire « ce n’est pas possible », j’aurais peut-être gagné quelques années 😉
Et c’est là que je remercie mon père, prof de cinéma et photographe super doué, de m’avoir inoculé dès mon plus jeune âge la passion des images… Avoir assisté aux tournages de ses élèves et s’endormir tous les soirs devant des grands films, apparemment, ça laisse quelques traces 😉
Quelle est ta recette pour sublimer un mariage ?
Alors je ne sais pas si je peux parler de « recette », mais disons que voilà la manière dont j’aime travailler, et disons que mes clients ne se plaignent pas du résultat 😉
J’essaie de marcher toute la journée sur l’étroite ligne entre la discrétion absolue, nécessaire pour me faire oublier et pouvoir capturer des moments « naturels », et ma nature plutôt joyeuse, ouverte et spontanée, qui me permet d’être un peu la copine de tout le monde ce jour-là et de gagner ainsi la confiance et la sympathie des mariés comme des invités. C’est le mélange de ces deux attitudes qui, je pense, rend mes reportages authentiques et pleins de vie 🙂
Et sur un plan plus technique, je cherche d’abord LA lumière qui va donner du sens et de l’esthétisme à la scène que je suis en train de shooter. La lumière peut quasiment à elle seule créer une image belle et forte 🙂
En ce qui concerne les cadrages, je cherche avant tout les lignes fortes, graphiques, qui créent tension et dynamisme dans des images par définition statiques… Je suis un peu une obsédée du cadrage ‘propre’, c’est à dire où j’arrive à limiter au maximum les petits éléments qui nuisent à la lecture de l’image comme par exemple le bout d’un chapeau qui « mord » sur un côté de la photo ou une applique sur un mur qui viendrait se cacher à moitié derrière la tête du marié… Ca, ça m’éneeeeerve ! 😀
Ce n’est pas un peu sexiste comme milieu la photographie de mariage ?
Ouh la, il ne fallait pas me lancer sur la question, je suis hyper féministe ! Haha 😀 Mais en réalité, c’est une question rarement abordée, je suis contente que tu soulèves ce point 😉
En venant de la photo de concert (milieu machiste par excellence), j’ai vu ce qu’est le vrai sexisme affiché, décomplexé (les femmes photographes ? Des groupies avec un appareil photo qui n’y connaissent rien et ne veulent qu’une chose : coucher avec un musicien !).
Celui de la photo de mariage est à mon sens moins évident, ça me fait un peu penser au monde de la cuisine dans le sens où la différence se voit essentiellement à haut niveau : la cuisine « de ménagère » VS la grande cuisine des chefs.
En (très) gros : au quotidien, il y a une foultitude de femmes photographes qui bossent très bien et beaucoup, d’égale à égal avec leurs collègues masculins sur leur marché national, par exemple.
Mais dès que l’on regarde les noms des top photographes au niveau mondial, la part des femmes se réduit comme une peau de chagrin !
Car pour rayonner à ce niveau-là, il faut shooter plein de « destination weddings » dans des endroits toujours plus exotiques et lointains, il faut sacrifier ses week-ends (of course) et ne pas avoir peur d’être chef de sa propre entreprise, avec toutes les contraintes psychologiques et matérielles que cela impose. Bref, il faut être ambitieux, sûr de soi et ultra performant, en plus d’être doué, évidemment.
Et dans le monde de l’entreprenariat comme dans celui du salariat, c’est vers la 30aine que nos carrières peuvent vraiment prendre leur essor… Pile au moment où certaines femmes font le projet de devenir mères ! Et là, beaucoup de choses changent…
Les facteurs à l’oeuvre sont nombreux et complexes, mais dans les grandes lignes, la société telle que nous la connaissons a tendance à encourager vivement (à célébrer, même) l’homme qui entreprend, qui est ambitieux, même si cela lui impose de grands sacrifices sur le plan de sa vie privée/sociale/familiale.
A contrario, les femmes sont plutôt priées de rester si ce n’est au foyer, du moins vraiment tout près. Leur potentielle ambition est acceptée tant qu’elles n’ont pas le rôle de mère à assumer. A partir de ce moment-là, je suis certaine que plein de ces talentueuses photographes s’autocensurent dans leurs choix de carrière : « Je ne peux pas aller là-bas, c’est si loin/long ! », « Je ne peux pas rester bosser toute la nuit sur ma communication, on m’attend » etc etc. C’est assez vicieux, car très peu de personnes extérieures oseront formuler ce genre de contraintes directement (le discours officiel s’est modernisé, dieu merci), mais ce genre de pression latente a été intégrée par beaucoup de femmes, d’où l’autocensure. Après tout, dans la langue française, quel est le féminin de « chef d’entreprise » ?
A côté de ça, je pense qu’il y a encore quelques préjugés qui trainent sur le métier de photographe de mariage lorsqu’il est exercé par des femmes : c’est à cause du romantisme, des émotions, des jolies robes etc. Alors que lorsqu’il est exercé par des hommes, c’est toujours pour la beauté de l’art, du cadrage parfait, du lieu incroyable. Bref, les femmes seraient dans la sensiblerie et les hommes dans l’artistique. C’est caricatural, bien sûr, mais pas tant que ça… Et à mon sens, les victimes de ce genre de stéréotypes sont aussi bien les femmes (qui peuvent être aussi en quête du « killer shot » hyper travaillé) que des hommes (qui ont aussi le droit de faire ce métier parce qu’il fait vibrer leur corde sensible).
Mais pour finir sur une note plus positive, je n’ai jamais sentie à titre perso la moindre posture sexiste vis-à-vis de moi ou de mon travail de la part de mes collègues masculins ! Big up, les copains ! :)))
Quel est le moment que tu préfères lors d’un mariage ?
Au début de ma carrière, j’aurais répondu « les préparatifs », surtout parce que c’est un moment calme et très photogénique… L’univers assez doux, les détails d’une belle robe, le geste expert d’une maquilleuse qui sublime la mariée, les regards émus et complices des privilégiés qui assistent à la scène.
Mais maintenant, j’avoue, c’est quelque chose de moins « évident »… Mon vrai kiff ces derniers temps ? Les embrassades à la sortie de la cérémonie !! C’est souvent un joyeux bordel, il y a beaucoup de personnes qui s’agitent, font la queue, arrivent par la droite, la gauche, les mariés sont happés par leurs invités, on a parfois du mal à trouver notre place, le bon angle en tant que photographe… mais c’est là que j’ai souvent vu les émotions les plus vives, les plus sincères, les plus touchantes ! Des étreintes qui en disent long, des cris d’excitation totale, des « danses de la joie », des larmes d’émotion à peine contenues… Tous ces détails sont si spontanés et révélateurs de l’intensité de ces moments-là ! Des fois, toute seule devant mon ordi pendant mes longues heures de post-traitement, j’en attrape encore des frissons 😉
Ballerine, basket ou talon ?
Basket for ever ! Un reste de mes années skate 😉 D’ailleurs, avec le collectif Kiss & The Gang dans lequel je suis depuis 3 ans maintenant, on a fait notre ‘coming out’ pro basket pour les mariages ! A lire sur Kiss & The Gang
Mais sinon, au quotidien, c’est boots en cuir, pour le combo rock + pratique (je DETESTE ne pas pouvoir faire ce que je veux parce qu’à cause de mes shoes). J’en ai des noires, des dorées, des versions léopard, bref, je ne m’en lasse pas ! Et si un jour je me marie, pas question qu’il en soit autrement ! 😀
Chloé Lapeyssonnie en 3 liens
- Site internet : www.lovelypics.fr
- La page Facebook de Chloé
- Compte Pinterest
De très belles photos.
Tu sélectionnes que de talentueux photographe ^^
A+
Très sympa les photos. Ça donnerait presque envie de ce marier.